Quelle mouche a donc piqué Laurent Wauquiez pour qu’il suggère d’exiler les « étrangers dangereux sous OQTF » (obligation de quitter le territoire français) dans les contrées subarctiques de Saint-Pierre-et-Miquelon, à 4 000 km de Paris ? Un territoire qui a pourtant mérité de la patrie en ralliant dès décembre 1941 la France libre et auquel le général de Gaulle, saint patron de la droite française, qui ne l’avait pas oublié, rendit visite à titre d’hommage en juillet 1967. Le député de Haute-Loire n’a fait, à la vérité, que méditer les leçons du passé et de l’histoire politique partisane. Et il existe, à droite, une règle intangible : une campagne pour la présidence du parti ne se gagne certainement pas au centre.

Ainsi Nicolas Sarkozy reprend-il les commandes de l’UMP fin 2014 avec 64,5 % des voix au premier tour, face à Bruno Le Maire et Hervé Mariton, au terme d’une bataille interne où ses positions ultradroitières sont étrillées. Qu’on y songe : suppression de l’aide médicale d’État, « abrogation » de la loi Taubira sur le mariage gay, menace de quitter Schengen si le système n’est pas réformé.

Même enseignement en 2022, lorsqu’Éric Ciotti part à l’assaut de la présidence des Républicains face à Bruno Retailleau et Aurélien Pradié. Le député des Alpes-Maritimes, arrivé quelques mois plus tôt en tête du premier tour du congrès du parti pour l’investiture présidentielle, avait percé en proposant, dans les colonnes du Point, d’ouvrir un « Guantanamo à la française » pour les terroristes et de supprimer la quasi-totalité des droits de succession. Malgré – ou grâce à – sa ligne droitière, il l’emporta avec 53,7 % au second tour face à l’alors sénateur de Vendée. Sarkozy comme Ciotti – depuis rallié au RN – connaissent leurs militants de droite. Et il est une chose que les adhérents détestent entre toutes : l’eau tiède et le sentiment que les politiques sont condamnés à l’impuissance.

Dernière semaine d’adhésions

Le timing choisi par Wauquiez pour accorder cet entretien choc au JDNews ne doit rien, non plus, au hasard. Les aspirants militants LR ont jusqu’au 17 avril, dernier délai, pour adhérer et ainsi participer au vote. Passé ce délai, le corps électoral sera en grande partie figé en vue de l’élection du chef du parti, prévue les 17 et 18 mai. Le coup d’éclat de Wauquiez, aux allures de « gros rouge qui tache » – pour reprendre une expression fétiche prêtée à Nicolas Sarkozy –, ressemble donc à un clin d’œil appuyé aux quelque 80 000 militants déjà encartés et aux sympathisants de droite qui hésitent encore à les rejoindre, avant que les dés ne soient jetés.

Tout challenger que soit l’élu de Haute-Loire, ses fidèles veulent croire que les jeux ne sont pas faits face au ministre de l’Intérieur, favori sur le papier et soutenu par l’écrasante majorité des ténors du parti. Dans l’entourage de Wauquiez, qui mène une patiente campagne de terrain au plus près des militants, on voudrait même croire que la bataille interne vient de prendre un virage stratégique.

« Trumpisation »

Notons que la droite n’a pas le monopole des promesses qui décoiffent, pour ne pas dire plus. La gauche mérite aussi, à bien des égards, des procès en démagogie électorale. Il n’est pas interdit de penser que François Hollande emporta la présidentielle de 2012 sur une promesse haute en couleur : taxer les super-riches à hauteur de 75 %. Retoquée par le Conseil constitutionnel après son élection, cette proposition lui permit de creuser l’écart avec Jean-Luc Mélenchon à un moment critique de la campagne où les sondages se resserraient.

À Découvrir

Le Kangourou du jour

Répondre

Plus largement, Laurent Wauquiez, aspirant candidat à l’Élysée, fait l’analyse suivante : Marine Le Pen étant très vraisemblablement éliminée de la prochaine course présidentielle pour avoir, a dit la justice, détourné avec son parti 4,1 millions d’euros de fonds européens, la droite républicaine devra aller chercher ses électeurs si elle veut l’emporter.

Enfin, force est de constater qu’un vent de trumpisation souffle sur la vie politique française. Retailleau comme Wauquiez considèrent qu’il faut analyser les raisons de la victoire populaire du président américain. En effet, au-delà de ses outrances et de sa vulgarité, Donald Trump envoie le message que les responsables publics peuvent, s’ils le veulent, renverser la table. C’est tout le poison de la proposition de Wauquiez, qui vient appuyer sur le supposé talon d’Achille de son rival Retailleau. Lequel serait condamné à une politique des petits pas et au ministère du verbe par l’absence de majorité à l’Assemblée et son appartenance au gouvernement Bayrou. Gare, toutefois, à ne pas la briser la table au passage et à ne pas abîmer davantage une parole politique déjà fort discréditée.