« Je suis à cent pour cent pour le service militaire pour les femmes. » Minna Yokoyama Hansen, lycéenne à Vamdrup, dans le sud-ouest du Danemark, n’a pas de doute au sujet de la nouvelle loi introduisant la conscription obligatoire pour les femmes âgées de 18 ans à partir du 1^er juillet 2025. Une première dans le royaume scandinave, qui suit ainsi ses voisins norvégien et suédois – lesquels avaient étendu le service militaire obligatoire aux femmes respectivement en 2014 et 2018.

« C’est tout à fait logique. S’il y a égalité, elle doit être à tous les niveaux. Je pense que les femmes sont tout aussi compétentes à servir dans les corps d’armée que les hommes », affirme, sur la chaîne TVSyd, Minna, qui fêtera ses 18 ans le 30 juillet. Début 2026, elle participera ainsi à la « Forsvarets Dag » (journée de la défense) lors de laquelle les appelées subiront des examens médicaux et passeront des entretiens afin de déterminer si elles peuvent intégrer le service militaire.

Les jeunes femmes aptes participeront à une loterie qui déterminera lesquelles seront retenues (4 000 à 5 000 par an), les trois corps d’armée n’ayant pas les capacités d’absorber tous les candidats. Les cinq premiers mois du service – rémunéré – seront consacrés à une formation militaire de base, suivis de six mois de tâches opérationnelles dans l’armée de terre, la marine, l’armée de l’air ou le commandement des missions spéciales, aux côtés des soldats professionnels.

5 % des femmes volontaires font carrière dans l’armée

Justifiant cette ouverture du service militaire obligatoire aux femmes à la suite d’un accord entre le gouvernement et la majorité des partis en 2023, le ministre de la Défense, Troels Lund Poulsen, a expliqué que « à la lumière de la situation sécuritaire actuelle [la menace russe avec la guerre en Ukraine, NDLR], les forces armées ont besoin de recruter davantage, et c’est aussi un signal important d’avancée vers la parité complète entre femmes et hommes ». « En ouvrant la porte aux femmes et aux hommes dans les mêmes conditions, nous exploitons l’ensemble du vivier de talents du Danemark. Cela nous confère une plus grande puissance de combat », a enchéri le chef d’État-major des armées, Michael Wiggers Hyldgaard.

À LIRE AUSSI Le service militaire, cette idée morte. Vraiment ? Balayant les inquiétudes, notamment des syndicats quant à la capacité des forces armées à accueillir un nombre accru de formés, le chef d’État-major a assuré que « l’institution est prête », rappelant que « 25 % des recrues volontaires actuelles sont déjà des femmes ». Néanmoins, seules 5 % d’entre elles restent dans les corps d’armée pour y faire carrière à la fin de leurs contrats.

Porte-parole des voix critiques de la mesure, l’ONG Dansk Kvindesamfund (Société des femmes danoises) ne croit pas qu’une extension de la conscription soit synonyme d’égalité. « Une défense militaire doit être composée de soldats de tous sexes ayant choisi de servir dans les forces armées. Nul ne devrait être contraint de s’engager dans l’armée », considère l’organisation. « Avant de se concentrer sur l’augmentation du nombre de femmes, les forces armées devraient s’efforcer de retenir celles qui ont déjà été recrutées sur une base volontaire en créant un lieu de travail attrayant et sécurisé. » « L’égalité ne sera possible que si les forces armées mettent fin au harcèlement sexuel et aux agressions envers le personnel féminin », insistait déjà la présidente de l’ONG, Maria Søndergaard, en 2024, lors d’un débat télévisé avec la Première ministre Mette Frederiksen.

Des victimes conscrites majoritaires

Partageant ces préoccupations sur le sexisme ambiant, Henriette Laursen, directrice du Centre national de recherches sur l’égalité entre les genres KVInfo, estime qu’ « il n’est pas juste que les femmes soient obligées de servir sous les drapeaux alors que de nombreuses conscrites volontaires continuent de subir des comportements abusifs ».

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Car selon une enquête du ministère de la Défense publiée en 2024, plus de la moitié des conscrites volontaires ont subi des comportements sexuels non désirés ou du harcèlement de la part de leurs collègues masculins. Et un audit du ministère de la Défense s’est saisi de 66 plaintes particulièrement graves d’atteinte à l’intégrité des femmes soldats. « C’est un chiffre trop élevé, et nous devons bien sûr faire quelque chose à ce sujet », a déclaré le ministre de la Défense, prônant « la tolérance zéro » et « encore plus d’initiatives pour que les forces armées soient un lieu de travail agréable et sûr ».

Le temps presse, car les premières appelées intégreront les casernes en août 2026. Karen Philippa Larsen, présidente de l’Association des femmes vétérans, s’inquiète de savoir si la hiérarchie militaire sera capable, d’ici à un an, de mettre un terme aux discriminations, car « il faut beaucoup de temps pour changer la culture machiste au sein des armées ».