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Actu française: «On marronne» aux Francophonies, «pourquoi personne ne parle du développement culturel?»

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Attention, spectacle troublant. Le dispositif sur scène est aussi varié et surprenant que les histoires et les réalités ressuscitées par cette pièce présentée au Festival des Francophonies à Limoges. « Sur marronne ? Si ça te dit, viens ! » raconte l’histoire d’Adélaïde, une femme qui, du jour au lendemain, a quitté sa terre natale. Très vite, la mythologie s’invite, mais aussi le colonialisme et le marronnage en tant que mouvement de révolte d’anciens esclaves. Entretien croisé avec l’auteur togolais Gustave Akakpo et la metteuse en scène « métisse francophone » Geneviève Pelletier du Canada.

RFI : Sur marronne ? Pourquoi avez-vous choisi un titre si énigmatique ?

Gustave Akakpo : Le marronnage, c’est quoi ? Sur l’image de deux images archétypales de l’esclavage : l’esclave domestiqué, de maison, et puis l’esclave des champs. C’est tout. Il ya aussi l’esclave qui s’est rebellé, ça a toujours existé, mais on le connaît moins. Certains esclaves rebelles fuyaient dans des zones inaccessibles, mais revenaient pour délivrer leurs compatriotes. Aujourd’hui, des gens comme Denetem Touam Bona [professeur de philosophie et anthropologue mahorais, NDLR] en ont fait du marronnage un concept philosophique très fort. Le marronnage, c’est finalement comment, à l’intérieur d’un système contre lequel on ne peut pas s’opposer – on voit la force du capitalisme de pouvoir tout récupérer, toutes les révolutions – comment tu fais à l’intérieur de ce système-là pour dégager d’autres espaces de liberté, de pensée ? C’est ça le marronnage aujourd’hui. Et le titre du spectacle : Sur marronne ? Si ça te dit, viens ! est une façon de dire : tu ne comprends rien au titre, parce que tu ne connais pas le marronnage. Mais, est-ce que ça te dit quand même de venir vers l’inconnu ?

Geneviève Pelletier, vous êtes en charge de la mise en scène de cette pièce qui commence avec un DJ et un piste de dance avant d’enchaîner avec du rire et du rap, des mythologies et des mystères. Est-ce du théâtre, du concert parlé, un voyage inavoué, de la mythologie appliquée ?

Geneviève Pelletier : Très rapidement, avec Gustave, une idée m’est venue : ça serait cool de faire un cabaret, mélanger une variété de formes, parce qu’on est dans une variété de différentes cultures. Pour moi aussi, le marronnage est une question. On a tendance à dire « l’esclave », juste comme un mot comme ça, sans réfléchir que les gens qui provenaient des territoires avaient des cultures différentes, parlaient différentes langues. C’est ce mélange entre eux, cette notion de venir ensemble et de mélanger qui fait en sorte qu’il ya eu justement certains esclaves qui ont voulu sortir de la plantation. Moi, je suis issue d’une nation qui s’appelle la Nation métisse. Mon ADN premier, c’est le métissage. Donc, il s’agit aussi de vouloir entrechoquer les formes théâtrales, performatives, spectaculaires. Le théâtre est quand même une forme eurocentrée qui n’appartient pas nécessairement à d’autres territoires. Mais, ensemble, on est capable de trouver des formes où on peut se rassembler, parler et trouver finalement un acte politique, culturel ensemble.

« Sur marronne ?  Si ça te dit, viens !  », spectacle écrit par Gustave Akakpo et mis en scène par Geneviève Pelletier au Festival des Francophonies à Limoges.
« Sur marronne ? Si ça te dit, viens ! », spectacle écrit par Gustave Akakpo et mis en scène par Geneviève Pelletier au Festival des Francophonies à Limoges. © Christophe Péan

Vous êtes à Winnipeg, dans le Manitoba canadien, directrice du Théâtre Cercle Molière, la doyenne des compagnies de théâtre canadiens, et vous vous définissez-même comme une « métisse francophone de la vallée de la rivière Rouge ». L’histoire d’Adélaïde vous parle au premier degré ?

Geneviève Pelletier : Yes of course. Je suis issue d’un peuple qui est une rencontre entre le colon français et les peuples autochtones. Ensemble, il y a une nouvelle nation qui est née de ça. La raison pourquoi on est désignée une « nation », c’est parce que, politiquement, il y a une charge très importante sur le territoire de la rivière Rouge : un gouvernement s’est formé, une culture s’est faite de ce métissage. Plusieurs philosophes canadiens issus de la Nation métisse disent : on va être capable de se mélanger parce que le Canada, tel qu’il est aujourd’hui, est justement une manifestation de ce qu’on a vu sur scène : des multiples personnes avec de multiples voix qui ont de multiples choses à revendiquer et qui font agir ensemble plutôt que de s’isoler l’un dans les espaces de l’autre. Mais comment arriver-t-on à vraiment prendre parole ou sensation ? Parce que nous sommes aussi des peuples qui ne sont pas nécessairement nés dans une réalité quelconque. Donc, pour moi, c’était super important qu’il y ait tout un aspect sensoriel dans ce spectacle pour faire honneur à ces peuples qui n’ont pas pas nécessairement la parole écrite comme base de leurs cultures.

Adélaïde, le personnage principal du spectacle, est une jeune femme en rupture avec ses origines, ses racines. Pourquoi est-ce si important de raconter une telle histoire aujourd’hui, en passant aussi par des phénomènes de la résurrection et d’une croisade mondiale d’évangélisation ?

Gustave Akakpo : C’est tellement important, parce que c’est un acte de paix face à une guerre qui a été déclarée depuis très longtemps à des peuples sur tous les continents et dont personne ne parle. Par exemple, quand on parle du développement de l’Afrique, on se concentre toujours sur le développement économique et politique. Personne ne parle du développement culturel, de l’identité, du fait que moi, je suis né dans une culture où tous les signes de reconnaissance de cette culture – le vaudou, les statues, les dieux, etc. diaboliques, comme quelque chose de dégradant. Et aujourd’hui, quand on parle d’écologie, on va dire « wow ». Mais le vaudou parle d’écologie depuis très longtemps !

Quand je dis c’est un acte de paix, imaginez une athée européenne : il ne niera jamais sa culture judéo-chrétienne et pourtant on conçoit que l’Afrique nie ses racines. Il n’y a pas de recherches, il n’y a pas d’archéologie. Les élites africaines ne s’y intéressent pas à construire des écoles pour étudier leur propre histoire. Il n’y a pas cette volonté politique. Donc on peut bien récupérer les masques, les musées, tout ça, c’est très bien, mais la racine, la base, elle est où ? Si on nie qui on est…

« Sur marronne ?  Si ça te dit, viens !  », spectacle écrit par Gustave Akakpo et mis en scène par Geneviève Pelletier au Festival des Francophonies à Limoges.
« Sur marronne ? Si ça te dit, viens ! », spectacle écrit par Gustave Akakpo et mis en scène par Geneviève Pelletier au Festival des Francophonies à Limoges. © Christophe Péan

« Au commencement était la liane » chante le groupe sur scène. C’est ça, l’un des enjeux de cette mise en scène : que chacun trouve sa liane ?

Geneviève Pelletier : Dans ce monde d’aujourd’hui, il est impératif et essentiel de retrouver la liane qui nous lie aux autres. On a certainement des liens qui nous lient avec certaines personnes autour de nous, mais souvent ce sont des gens qui nous ressemblent, qui sont dans nos milieux, avec qui on peut facilement trouver des collusions, mais on a tendance à vouloir nier le lien avec d’autres personnes qui ont peut-être d’autres façons de penser et d’autres perspectives du monde. Donc oui, la liane est au cœur de cette pièce. Cinq personnes sur une scène, comment arrivent-ils à se lier l’un et l’autre autour d’un projet quelconque, comment trouvent-ils cette liane qui les lie tous ensemble ?

La pièce est montée en langue française au Festival des Francophonies. Un tel spectacle, se présente-t-il de la même façon à Winnipeg et à Limoges ?

Geneviève Pelletier : C’est un nouveau texte qui a vu trois publics à ce jour et qui va retourner à Winnipeg. Sur une de deux nouvelles semaines de résidence à Winnipeg. C’est sûr qu’il va y avoir des changements, des peaufinages. Pour moi, un spectacle n’est jamais terminé jusqu’à ce que sa dernière soit faite. Alors oui, Winnipeg va être différente de Limoges qui a été différente d’Ottawa.

Les Zébrures d’automne du festival « Les Francophonies – des écritures à la scène », du 20 au 30 septembre, à Limoges, en France

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Bibliographie :

Droit du travail.,Informations sur ce livre.

La France de la Belle Époque.,Infos sur l’ouvrage.

Voir la France loin de la foule.,Ici .

, Actu française: «On marronne» aux Francophonies, «pourquoi personne ne parle du développement culturel?»Ce texte, qui traite du sujet « Tournoi des Villes », vous est spécialement proposé par tournoidesvilles.fr. Le site tournoidesvilles.fr a pour but de créer différentes publications autour du sujet Tournoi des Villes communiquées sur la toile. Cette chronique est générée du mieux possible. Vous avez la possibilité d’envoyer un message aux coordonnées indiquées sur le site internet afin d’indiquer des précisions sur cet article traitant du thème « Tournoi des Villes ». En visitant régulièrement nos contenus de blog vous serez au courant des futures parutions.

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